Histoire.

De tous temps les saisons ont existé. Enfin... d'aussi loin que se souvienne Eithaine.
Cela fait près de 5000 ans que Lug est né, et déjà à sa naissance les saisons se succédaient. Les ères glacières n'étaient plus depuis longtemps, et les prémices du druidisme humain avaient fait leur apparition.
Dana, la grande déesse, était déjà vénérée par les hommes lorsqu'elle conçu Lug, le tout premier, l'aîné de ses enfants, des Tuathas. D'aucun de souvient de Lug sous l'apparence d'un dieu mâle. Beau, grand, fort, des cheveux aux reflets changeants du blond au brun. Il avait été conçu pour hériter du Cycle-vie de sa mère et prendre à sa suite la charge du cycle des saisons. Lui, l'artiste, l'artisan, il était connu et reconnu par les Hommes comme le dieu Primordial, l'Ainé de Dana et le Grand Maître qui commande au temps, à la météo par l'art et l'Artisanat divin. En réalité, il n'était pas plus important que ses dix frères et sœurs mais comme il était l'aîné, il était perçu à tord comme le plus puissant.
En effet, les siècles passant, Lug vit naître un à un chacun d'entre eux, en même temps que leurs cultes. A cette époque, certains peuples étaient encore nomades par pure tradition. D'autres, sédentaires, priaient Lug spécifiquement en forêt. On le louait dans les chants et les offrandes, on le nommait sur des objets artisanaux de facture exceptionnelle, mais surtout, on le dansait et on le chantait au début de la saison des récoltes. Une fête qui fut baptisée "Lugnasad", qui signifie "Lassemblée de Lug".

Tout son enfance durant, Lug avait grandit au milieu des champs de fleurs et des forêts verdoyantes d'Emain Ablach, Terre idyllique sans nulle autre pareille nommée communément par les humains l'île d'Avalon.
Dès qu'il fut en âge de se faire reconnaître du monde des Hommes, il prit officiellement le rôle de Brode-Saison, premier du Clan et fondateur. Les années et siècles passèrent et Lug se trouva propulsé, comme nombre de sa fratrie, à la place de divinité d'un culte polythéiste nommé le culte des Celtes, Druidisme ou encore Culte des Tuathas des Danan. A cette époque, il prenait pour parcourir le monde l'apparence d'un homme très grand à la musculature sans défauts, le teint pâle, les cheveux longs aux teintes allant du rouge cuivré au noir de jais selon la luminosité. Une barbe épaisse mais taillée avec précision et autour de lui, une aura de la couleur de l'automne.
D'aucun disent parfois l'avoir vu sous la forme d'un immense serpent de près de cent mètres de long à la couleur changeante comme les saisons. Tantôt d'un rouge flamboyant aux reflets cuivrés intenses, tantôt des teintes douces et subtiles de verts tendres et roses pastels, ou bien à l'hiver un blanc vaporeux mêlé de reflets du bleu des glaciers... mais c'est à Lugnasad, pour la saison d'été, qu'il est au paroxysme de sa beauté en empruntant au soleil toute sa magnificence.

D'autres siècles encore passèrent. Et Dana décida d'enfanter une autre Fratrie. Une nouvelle espèce. Ni des Sidhs, ni des Feys, ni des hommes. Ils prirent le nom de Formoires, et contrairement au leurs ainés, n'avaient aucun respect pour leur mère et ses créations.
Comme elle avait laissé la terre aux Sidhs, elle avait enfanter les formoires pour leur léguer le royaume des abysses. Mais ils n'en étaient pas satisfaits. Cela ne leur suffisait pas et ils jalousaient aux Sidhs la beauté d'Avalon et le privilège d'être vénérés des hommes. Si bien que la guerre des Fratries ne tarda pas à débuter.

L'âge des guerres Danaïques pour Emain Ablach commença. Et sur les côtes de l'île, face aux Clans des Formoires, les Clans des Sidhs, faisaient face pour se défendre.
Les premiers venaient en masse du fond des mers et, sans scrupules, faisaient couler le sang des feys avec une avide cruauté. longtemps, sur les plages d'Avalon, la teinte du sable mêlé de sel resta rose du sang qui ne parvenait plus à s'effacer.
Les seconds, nés des pouvoirs originels de la déesse, résistaient avec vigueur et faisaient preuve de loyauté aux volontés de Dana (qui ne désirait pas voir ses enfants se déchirer ainsi). Aussi, pendant des siècles, ne firent-ils que se défendre, jusqu'à cette fameuse nuit où l'offensive fut surprenante et fulgurante, et davantage meurtrière pour les Brode-Saison de Lug.

Le Clan fut pris par surprise alors qu'il rentrait, exténué de la mise en place du solstice d'hiver. Ils allaient passer les portes de l'île lorsque les Formoires, savamment embusqués entre les dunes, attaquèrent avec férocité. Beaucoup moururent sur le coup. Fatigués, vidés de presque toute leur magie après avoir invoqué l'hiver, ils étaient alors des proies faciles. Lug, dépité de voir son Clan se faire massacrer, entra alors dans la bataille avec une rage folle et l'envie de tous les venger. La légende raconte qu'il se battit avec acharnement, seul contre des centaines, presque à vide de son essence magique, pendant toute la nuit. Épuisé, il ne cessait de tuer des assaillants jusqu'à ce que l'aube glaciale de l'hiver ne fasse son apparition dans le ciel.

Alors même qu'au loin résonnait le Cor d'alarme de la cité, Lug fut terrassé. A bout de souffle, d'énergie, de magie et d'espoir, il finit par se laisser transpercer de milliers de griffes de poison des abîmes. Dans un mutisme absolu, le Sidh premier né mourut. Tout autour de son corps originel ensanglanté qui s'effondrait d'une masse de géant, l'ennemi faisait place dans un silence de mort. L'espace d'une seconde, les Fomoires se sentirent victorieux. Et c'est durant cet instant que les renforts arrivèrent. Morrigan, désormais plus connue sous le nom de Shanae, menait avec elle une armée de près de dix milles Banshee et Dagda arrivait avec pas moins de quatre milles mages. L'émoi puis l'injustice se firent sentir en leurs cœurs en découvrant le corps sans vie de leur Ainé gisant parmi la quasi totalité de son Clan. Ce furent les larmes aux yeux et la rage au ventre que les feys combattirent cette journée là. Avec un acharnement vengeur resté jusqu'à ce jour inégalé. Ils surprirent leurs adversaires et remportèrent la bataille. Mais cette victoire leur parut bien amère.
Cet hiver fut le plus rude qu'ils n'aient jamais connu. Les tempêtes de neige se multiplièrent, les températures furent glacières et beaucoup d'espèces végétales gelèrent et disparurent. Il n'y avait quasiment plus de Brode-saison et le rythme des saisons en fut rompu.


A la veille de l’Équinoxe de printemps, alors que les quelques huit ou dix rescapés Brode-Saison arpentaient la campagne, le coeur entre la tristesse, le dépit et l'angoisse de ne pas pouvoir changer la saison le lendemain; ils découvrirent le cadeau de Dana.
A l'orée d'un bois, contrastant avec la neige, une étrange créature semblait dormir. Sous d'immenses ailes irisées rose et vert pastels se dessinait un serpent dont l'envergure devait avoisiner les cent mètres. Sereine, la bête respirait paisiblement. N'osant à peine croire au retour de leur Sidh, les Brode-saison s'approchèrent doucement et, lorsque l'un d'entre eux osa effleurer les ailes irisées du bout des doigts, la créature se métamorphosa dans son sommeil.
Ils s’attendirent tous à voir Lug; car la créature devant eux avait, à l'exception des ailes, les mêmes traits que ceux de leur bien aimé maître sous sa forme originelle.
Mais ce fut un corps de femme qui se dessina, toujours endormi dans la neige.
Lorsque enfin elle s'éveilla, se sentant quelque peu épiée, elle réalisé qu'ils étaient abasourdis par ce qu'ils voyaient. Devant eux, une magnifique rousse à la chevelure flamboyante se redressait, nue, le corps couvert de terre, de feuilles mortes de l'automne précédent et de neige. Une fée osa prendre la parole et lui parler. Pensant qu'elle aurait pu être Lug transformé par un puissant sortilège, elle n'osa rien d'autre qu'un:

- Maître Lug? Est-ce vous?

La jeune femme l'observa avec un air troublé et une réflexion toute observée:

- Lug... c'est étrange... comme ce mot résonne dans ma mémoire... comme un vécu d'un lointain passé...

Sans qu'elle n'eut compris pourquoi, les feys présents hurlèrent de joie tout autour d'elle. Certains la prirent dans leurs bras, d'autres se mirent à clament à tue-tête:

 "Lug est de retour!!! Gloire à Dana! La déesse nous a rendu notre Sidh, Gloire à Dana! Gloire à Lug!"

Na sachant que trop dire, la Sidh, qui semblait avoir d'étranges souvenirs de quelques unes de ces voix, se laissa faire lorsque l'un des géants la prit dans ses bras pour la porter en Héroïne jusqu'au palais d'Aisleen.

Là, devant Yggdrasil, tous se rassemblèrent pour découvrir la nouvelle Sidh arrivée. Certains entendaient le retour le Lug, mais aucun des sidhs présents ne reconnu Lug, leur Aîné. Cependant, lorsque l'un d'entre eux s'avança pour lui demander quel était son originel, dans un premier temps, elle ne sut que répondre. Il fallut préciser en lui demandant qu'elle était son inspiration en ce monde pour qu'elle comprenne ce dont ils parlaient. D'un geste gracieux de la main, dans un élégant mouvement du bassin pour se retourner vers Yggdrasil, elle invoqua alors le printemps sur l'arbre légendaire. Et de ses froides branches dénudées naquirent de magnifiques bourgeons de fleurs et de petites feuilles au vert tendre.
Aussitôt la foule s'éveilla de cris de joie enthousiastes. Lug, ou du moins son pouvoir de Cycle-Vie leur était revenu. Dana avait exaucé leurs prières. Alors que les feys étaient en liesse, un Sidh cependant émis un propos, moins jovial et pourtant lucide, qui calma la foule:

- Oui, elle possède le Cycle-Vie. Et de ce que l'on raconte, sa forme originelle est proche de celle de Lug. Mais même si ce nom lui évoque quelque chose de l'ordre du souvenir lointain, ce n'est clairement pas Lug! La forme originelle de cette Sidh à des ailes que Lug ne possédait pas! Et que dire de son apparence Sidh?  si ce n'est que c'est une femme et non un homme! Non, ce n'est pas Lug! Certes c'est un cadeau de Dana très précieux, il y a un peu de Lug en elle, mais ce n'est pas le retour d'un frère! C'est l'arrivée d'une nouvelle soeur! Il faut donc lui donner un nom, et laisser à nos semblables le soin de faire le deuil de Lug. Il lui faut un nom. Un nom qui n'appartiendra qu'à elle et qu'elle pourra bâtir à sa convenance et non vivre avec le nom de Lug... qui appartient désormais au passé et....

- Je suis Eithaine.

Coupant ainsi la parole du Sidh parti dans sa tirade.

- Plait-il?

Demanda t-il comme si elle avait commis un crime de lèse-majesté et comme si ce n'était pas à elle de décider de son propre nom.

- Je suis Eithaine, Fille de Dana et baptisée par elle. Je suis née pour régner sur le Clan des brode-Saison qui est le miens car je suis le Cycle-Vie.

Voilà qui fit faire silence dans la foule comme chez les Sidhs. Manifestement, le Sidhs qui avait pour intention de se poser en maître sur elle comprit qu'elle ne souffrirait aucune soumission à un semblable tout comme Lug s'y était farouchement opposé. Les petites guerres intestines et politiques des Sidhs ne sauraient être appliquées au grand jour pour le moment.

Le départ des Brode-saisons avec leur Maîtresse fut alors imminent. Il ne fallait tarder, le printemps serait à l'heure cette année, contre toute attente. A leur retour, une célébration suivie d'un banquet de près de treize jours fut réalisé pour l'avènement de' cette nouvelle sœur.


Eithaine a rapidement trouvé sa place parmi les siens. Elle prit possession des anciens appartements de Lug qui furent à son arrivée entièrement redécorés pour elle. Un esclave lui fut offert, répondant au nom de Jehan. Celui-ci lui apporta beaucoup. Il avait appartenu à Lug également, serviteur loyal et compétent. Il prenait le temps, le soir, au cours de longues conversations de raconter à Eithaine la vie et les aventures de son prédécesseur. Certains éléments éveillèrent chez elle de réels souvenirs, comme la fameuse "Bataille sanglante" de sa mort, tandis que d'autres marquèrent définitivement la différence. Elle était une réincarnation de Lug et pouvait, si elle le désirait vraiment, se rapprocher de celui qu'elle avait été et redécouvrir sa vie antérieure. Jusqu'à ce jour, elle n'en fit rien, ne jugeant pas utile de ressasser le passé. Puis Jehan mourut d'une mort calme et paisible dans son sommeil.

Les jours passèrent puis les saisons. Les formoires avaient continué leurs attaques puis avaient fini par s’essouffler un peu en voyant, déconcertés, le retour du Cycle-Vie sur le champ de bataille. La guerre n'était pas terminée mais une trêve, même non déclarée officiellement faisait du bien aux Tuathas.

Petit à petit, le clan des Brode-Saison se reforma.  Des feys de toutes races postulèrent et Eithaine donna une chance à presque chacun d'entre eux. Les quelques dix survivants à "La Bataille sanglante de Lug" furent honorés par leur nouvelle maîtresse d'un titre honorifique et le don d'un second sous-pouvoir du Cycle-Vie.

Les cycles des saisons se succédèrent dans la paix et l'harmonie de nouveau. Mais Eithaine semblait avoir cependant un sommeil agité. De nombreux rêves, tous semblables, perturbaient ses nuits.
Elle rêvait d'un étrange jardin au bord d'un immense lac. L'herbe y était turquoise et l'eau scintillante d'argent. Un grand saule venait y plonger avec soif ses racines. les roses, passant de l'indigo au violet, y avaient un parfum entêtant hors du commun, fort tenace et enivrant. Chaque nuit, la Sidh avançait un petit peu plus dans son rêve, s'enfonçait dans ces jardins attirant et prenait plaisir à venir caresser l'onde de l'étang du bout des doigts.
Ces étranges rêves étaient tellement percutant de réalisme, attirants, enivrants, que chaque soir elle allait se coucher avec une envie presque démesurée. Bientôt elle se mit à y penser durant la journée, lorsque le soleil pointait haut dans le ciel.
Pendant presque toute la saison d'automne et toute la saison d'hiver, elle rêvait de ce jardin turquoise, de son étang d'argent, de cet immense saule au feuillage protecteur et à cette Lune... cette magnifique Lune aux teintes étranges mêlée de vert et de bronze.
La veille de l'équinoxe de printemps, comme chaque soir, elle s'empressa d'aller se coucher. mais alors qu'une importante journée de changement de saison l'attendait le lendemain, en ce premier soir de pleine lune, elle ne trouva pas le sommeil. Se tournant et se retournant sans cesse dans son lit, elle ne parvenait à se détendre qu'en énumérant point par point les choses à accomplir le lendemain. Mais cette nuit là, même si elle dormit un peu, point de rêve et point de jardin.
L' Équinoxe de Printemps se déroula sans encombres une fois de plus. De l'aube au crépuscule, les brode-saisons, secondant Eithaine, firent naître les bourgeons qui perceront bientôt la neige et appelèrent les oiseaux migrateurs à bientôt prendre le chemin du retour vers leurs contrées d'été. Lorsque minuit sonna, Eithaine et son clan passèrent devant la stèle funéraire de Lug qu'elle ne connaissait que trop bien, se souvenant même de la bataille, puis entrèrent, épuisés, en Avalon.

A peine eut-elle le temps de s'allonger sur son lit, quasi vidée de son énergie magique, qu'elle sombra dans son rêve et retrouva son jardin tant espéré la veille. Elle marcha quelques temps dans les hautes herbes turquoises, une rose violette dans les cheveux, caressant la végétation du bout de ses doigts. Elle fermait les yeux, doucement, elle avançait, ses narines emplies du parfum de la fleur qui contrastait avec sa chevelure rousse détachée dans la brise. Lorsque enfin elle ouvrit les yeux, elle s'aperçut qu'elle avait les pieds dans l'eau jusqu'aux genoux. Relevant son regard, elle vit alors quelque chose que l'on ne pouvait pas voir depuis la rive: une petite île, seule au milieu du lac. Une jolie petite île qui n'apparaissait qu'aux feys et sidhs qui osaient se mouiller. Et sur cette île, au loin, un bosquet de huit immenses chênes entremêlés jusqu'à leur cimes. La distance semblait accessible à la nage, mais la Maîtresse du Cycle-vie n'y aurait pas songé une seconde. Pour s'y rendre, elle fit avec un peu d'eau du lac une passerelle de givre scintillante sur laquelle elle put traverser sans se mouiller davantage. La lune était haute dans le ciel, très lumineuse et pleine en ce jour d’Équinoxe de printemps.
Lorsqu'elle arriva sur l'île, elle posa le pied sur un parterre de mousse à la douceur du velours de soie. De petites fleurs telles des violettes ou des pâquerettes aux teintes variées poussaient et s'épanouissaient sur son passage. Se frayant un chemin entre les buissons et les arbustes, elle se retrouva rapidement au centre du cercle que formaient les huit grands chênes.
Sans l'avoir encore vu, elle avait perçu une présence. Dix mètres devant elle se dressait un autel qui semblait être à la Gloire de Dana. Rien n'était cependant moins sûr. Il était fait d'une pierre noire incrustée de jades et d’émeraudes et recouvert de lierre. Un regard autour d'elle... personne. C'était étrange, elle percevait pourtant bien une présence. Quel étrange rêve faisait elle... mais rêvait-elle vraiment?
Elle effleura du bout de ses doigts la pierre glaciale, puis la plus importante des émeraudes, placée au centre de la pierre. Elle sursauta et se retourna rapidement. Là, à moins de cinquante centimètres d'elle, se tenait un fey de la race des fées. Fort étrange! Malgré sa taille humaine, il parvenait à garder son apparence originelle. Grand, élancé, un corps sculpté dans la force et la finesse à la fois, un visage dessiné avec autant de douceur que d'assurance et de grands yeux irisés variant sans cesse du bleu des orages au vert de l'anis. Il avait la chevelure ébène et aussi longue que celle des Sidhs. Dans son dos, deux magnifiques ailes de papillon toutes en dégradé de verts comme si toutes les nuances s'y retrouvaient, parfois soutenues par un fin coup de pinceau noir. Il était torse nu, la peau comme dorée par le soleil, scintillante d'une magie d'or. Il avait un pendentif à son cou, une émeraude de la forme d'un triskel brisé en deux en son centre. Il portait un pantalon de soie sauvage noir.
Il était beau, charismatique, et son regard suffisait à exprimer ce qu'il désirait. Qui était-il? Où étaient-ils? Et pourquoi? Furent des questions qui, en l'espace d'une seconde, passèrent au second plan. Comme si une étrange magie œuvrait pour endormir les esprits et réveiller les instincts. Point de mot ne fut ouvertement dit cette nuit là. Mais les actes en dirent plus long et la façon de les faire également.
Ils s'endormirent sur l'Autel enlacés et au petit matin, Eithaine s'éveillait seule dans son lit. Nue, elle portait autour du cou un étrange pendentif en triskel sculpté dans une émeraude de toute beauté. Elle ne refit plus jamais le rêve de ce jardin, et pourtant plus d'une fois elle espéra y retourner...

Quelques jours plus tard, tous les Sidhs reçurent de Dana l'intime conviction qu'il fallait se protéger du Dieu unique. Aussi, certains partirent en guerre sur Terre tandis que d'autres restèrent terrer sur Avalon. Mais bientôt, la solution fut trouvée et une fois les artefacts réunis, le sort lancé de refermer les portes de l'île et de la rendre invisible et introuvable aux yeux de tous. Ainsi, quelques uns profitèrent de certaines inimitiés pour laisser derrière les portes ceux qui allait ouvertement devenir des ennemis. Ainsi, la différence Seelie / unseelie fut scellée. En l'espace d'une saison, Dana envoyait son message et les portes de l'île se refermaient laissant certains d'entre eux sur le carreau.

Au moment de la fermeture Eithaine était sur la plage de l'île, devant les portes. Ses armées étaient en train de rentrer suite à l'appel précipité d'Airgetlam pour la fermeture des portes. Mais trop tard, certains ne passeraient pas. Le clans serait plus ou moins divisé en deux car comment changer le cour des saisons sur terre si l'on ne peut plus y aller. certains passèrent pensant à leur survie avant tout et d'autres refusèrent, choisissant leur mission d'abord.
Eithaine qui, dans son élan était toute aussi divisée qu'eux, ne sut que choisir lorsqu'il fallut faire appel à la magie pour sceller le départ de l'île. Dans un tourbillon d'énergie, elle s'évanouit. 

Lorsqu'elle s'éveilla. Elle se sentit étrange. Allongée dans sa chambre sur l'île, Alric veillait sur elle. Il avait peur. Il avait vu la chose mais n'osait encore lui en parler. La Sidh était en sueur, elle avait mal au ventre, et fréquemment, elle avait une étrange vision. Elle se voyait allongée dans une ruelle, entourée d'une dizaine des siens, dans le même état actuel. Mais ses cheveux retombant sur sa poitrine étaient d'un noir de jais. Elle se voyait, c'était elle, et ce n'était pas elle à la fois. Puis elle revenait à elle, dans sa chambre en Avalon. Entre deux douleurs à l'abdomen, elle raconta à Alric.
 Calme, posé, le nain acquiesça. Il savait. Il avait vu la chose se produire. Il avait à la fois compris et à la fois n'en croyait pas encore ses yeux. Mais il se devait de garder son calme. Lorsqu'elle eut finit de tout raconter, il approuva ses dire et lui décrivit ce que beaucoup de Brode-saisons, dont lui-même avaient vu: Leur Sidh, désemparée de ne pouvoir choisir sa destination, avait mêlée sa magie au maelström des portes de l'île et déclenché prématurément un pouvoir qu'elle devait posséder en elle sans l'avoir jamais découvert. Elle s'était, sous leurs yeux dédoublée, en deux corps différents et bien distinct.
 A cet instant, elle comprit quel était son réel pouvoir personnel, le don d'ubiquité venait de se déclencher par une émotion trop forte à gérer pour elle. Aussi était-elle à deux endroits à la fois. L'autre elle devait donc être restée sur Terre, dans le même état physique qu'elle. Mais pourquoi cette première séparation avait-elle été aussi douloureuse?

Alors que ses visions diminuaient pour laisser la place à une étrange double vision dans son esprit, plus douce et plus régulière, les douleurs au ventre ne cessaient d'empirer.

- Alric! Envoie quelqu'un chercher Sirona s'il te plait!

Et le nain s'empressa de s'exécuter. Lorsque Sirona, Sidh qui commande à la Lune et à la Connaissance, entra dans la pièce, Eithaine fut plus que rassurée.
Sirona était une amie de confiance pour la sidh des saisons. Celle-ci l'observa alors, et dans un éclat de rire qui lui était propre, lui annonça qu'elle était enceinte, et sur le point d'accoucher. Sitôt Alric pâlit et Sirona comprit qu'il y avait quelque chose de grave. Elle n'eut pas besoin de demander.

- J'ai le don d'Ubiquité Sirona. J'ai un autre corps indépendant de celui-ci en ce moment même sur terre, dans le même état que moi. Et je ne peux plus me réunifier. Je peux communiquer avec mon autre moi, mais rien de plus. Ça veut dire quoi? Que le bébé s'est coupé en deux? Ou s'est dédoublé aussi? Qu'il est mort?

- Shhhht... shhhht... calme-toi. Nous n'allons pas tarder à le savoir.

Lui dit alors la sidh qui s'attendait à bientôt connaître la réponse. Elle envoya des serviteurs lui chercher du matériel pour s'occuper d'Eithaine. Pas moins de six heures plus tard, une petite fille naquit sans encombres à Avalon. Dans un rayon de Lumière iridescente, de magnifiques ailes de fée dégradées d'un vert émeraude au violet améthyste dans le dos et pourtant à taille humaine. Le rêve n'en avait pas vraiment été un. Et le père était donc bien réel. La petite s'appellerait Lys d’Émeraude. tandis que sur la terre, Eithaine la brune avait été transportée dans une grange confortable où personne ne viendrait les déranger pour la nuit. Là, elle mit au monde une petite fille également. Mais alors que la naissance de la petite fée Lys n'avait pas causée de douleur, cette petite fille-ci eut beaucoup de mal à voir le jour. Aucune lumière, aucune paire-d'ailes... si Eithaine avec son don d'ubiquité avait réussi à sauver sa fille en la dédoublant quelque peu, sa fille, elle n'avait pas ce pouvoir là et sa magie était restée concentrée tout près d'Avalon. Eithaine avait donc des jumelles. Une fée, Lys, et une humaine, qu'elle appellerait Nox d’Émeraude. Hormis la magie, Lys et Nox se ressemblaient en tout points. Toutes deux brunes avec quelques reflets roux, de grands yeux noisette et un visage poupin doux.

Malheureusement, les deux sœurs n'étaient pas destinées à se rencontrer. Le triskel d'émeraude s'était de nouveau brisé en deux durant les accouchements: mauvais présage.Tandis que Lys grandissait sur Avalon à l'abri de toutes guerres, apprenant à utiliser son pouvoir personnel, le même que son père, et à se battre, rêvant de devenir un jour Chevalier, Nox, elle, à l'âge de seize ans, préparait déjà des embuscades aux disciples du Dieu unique avec sa mère et Shanae. Guerrière accomplie, elle n'avait peur de rien, pas même de la mort puisque Shanae n'était jamais loin. grande rêveuse comme sa sœur, elle aspirait pourtant à l'immortalité, et à la matérialisation de cette étrange tache de naissance en forme d'ailes de papillon dans son dos.
Si Avalon était réapparu à cette époque, sans doute Nox aurait-elle développé quelques pouvoirs de mage. Mais hélas, à l'aube de ses  vingt-six ans, alors qu'elle se promenait en forêt, non loin du repère de sa mère, elle se fit attaquée par un loup féroce. Elle savait ce que c'était. Et ce n'était pas un loup ordinaire. Sa mère lui en avait présenté quelques uns, des Lycans. Aussi savait-elle que sous leur forme lupus, jamais ils n'entendraient raison, et courir s’avérerait inutile. Le combat fut rude et acharné. La fille d'Eithaine se défendit avec la bravoure des soldats les plus émérites d'Avalon. Mais cela ne suffit pas et le loup finit par lui arracher la gorge d'un coup de crocs enragé.
Au petit matin, le jeune homme s'éveilla de sa lycanthropie, effaré par ce qu'il voyait devant lui. Il avait fait une victime de plus. Cela ne l'aurait pas plus touché que cela s'il n'avait pas reconnu, sous les coups de griffes et les coulées de sang, la tâche de naissance dans le dos de la jeune femme. Il la connaissait de réputation. L'humaine née d'une Sidh la nuit de la fermeture des portes d'Avalon. Nox était connue comme le loup blanc si l'on puis dire ainsi. Une humaine considérée de sang plus divins que la plupart des feys. En larmes, il prit le corps sans vie de Nox, et se rendit au havre d'Eithaine.
Gardant son calme malgré la peine qui commençait à couler le long de sa joue, Eithaine refusa la demande du jeune loup, alors âgé de dix-sept années, de l'exécuter en guise de châtiment. Aussi lui proposa t-elle d'entrer à son service comme Pantin. Car il est vrai que jamais la Justice Avalonnienne n'aurait été aussi clémente qu'elle. Mais faire couler le sang d'un des leurs pour le sang d'un des leurs était beaucoup trop demandé à Eithaine.
Depuis ce jour, Duncan est l'ombre d'Eithaine la Brune. Tandis qu' Alric élève Lys en Avalon, désormais seule héritière de la Sidh.



Depuis que les portes d'Avalon se sont ré-ouvertes, Eithaine à appris à réunifier ses corps. Eithaine la rousse à été cataloguée comme étant du coté seelie alors que la brune, moins fréquentable semble vraiment flirter avec les unseelie. Certains ont du mal à comprendre qu'il s'agit d'une seule et même entité et non de jumelles. Ce qui semble cependant à l'avantage de la Sidh pour qui cette guerre interne est puérile et dangereuse. En fréquentant les deux milieux, Eithaine à commencé à comprendre quel est le dessein de Dana pour elle: rester neutre et garder unis le peuple Fey envers et contre tout. Car le dieu unique n'est pas encore oublié des hommes et les formoires ne sont pas un souvenir si lointain que cela.
Lys à grandit, elle est désormais une guerrière aguerrie. Alric est toujours là, auprès d'Eilthaine tandis que Duncan, toujours fidèle, n'est jamais très loin de sa Maîtresse.

Pouvoirs