Histoire.
--- I : Acquisition des données nécessaires--- Ia : Comme installer un OS !Nadja est une vraie multinationale ! Née d'une mère russe et d'un père japonais, elle a la nationalité américaine vu qu'elle est née à San Francisco. Dès son plus jeune âge, ses parents lui apprirent donc les trois langues qu'elle parle désormais couramment : on apprend vite, quand on n'a que deux ans ! Autant dire que cet environnement assez riche lui donna rapidement quelques facilités d'apprentissage à l'école, et ce fut assez rapidement qu'elle se révéla être une jeune fille pleine de ressources et d'idées. En dépit du fait qu'elle avait trois langues à apprendre, elle parlait (dans les trois) comme une adulte à l'âge de huit ans tout juste. Le tempérament idéaliste de son père et ce côté qu'avait sa mère à mettre fortement l'accent sur le travail bien fait lui donnèrent une curiosité et une application importantes, qui forgeraient son avenir.
Malgré cela, la jeune fille était plutôt... taciturne, au mieux. Si elle apprenait très vite et parlait très bien, elle ne semblait pas extrêmement entourée en règle générale, comme l'étaient les gamins de son âge. Même à cette époque, on était encore dans les clichés éducatifs classiques, dans le genre "les filles jouent à la barbie et les garçons au foot". Nadja, elle, ne jouait à aucun des deux. Elle lisait en général, ou passait son temps dans la lune à réfléchir ou à imaginer dieu seul sait quoi.
Cette situation inquiéta évidemment sa mère, Marianna, mais son père en revanche, Satoru, ne pensais pas qu'il s'agissait vraiment d'un problème. Il prenait cela avec philosophie. Selon lui, les enfants passent une période où ils observent tout et apprennent à une grande vitesse, un peu comme installer un OS sur un ordinateur neuf ! Le terrain se prépare, la pensée, la curiosité, les connaissances... En règle générale, les bébés sont comme ça. Les yeux grand ouverts, curieux de tout et n'importe quoi, ils assimilent les informations à une vitesse surréaliste mais ne parlent pas forcément.
Le père de la jeune métisse savait qu'elle était plus maline que la moyenne, et il pensait donc que ce côté un peu "décalé" venait de là. Elle continuait d'apprendre à une très grande vitesse, et était trop occupée à comprendre des dizaines de nouvelles choses pour se socialiser. Il n'était d'ailleurs pas inquiet... Cela viendrait plus tard. Et dans un sens, il eut raison. Dans un sens, seulement...
--- Ib : La graine qui plus tard fleurirait.La high school fut donc une période plutôt intéressante. Avant toute chose, elle fut changée d'école, ce qui permit à la jeune Nadja de "repartir à zéro" au niveau social... Et ainsi, se débarrasser de cette image de la petite fille silencieuse sans amis qui ne fait que lire et dire des trucs bizarres à longueur de journée. Ses deux parents savaient que les gamins et les ados sont des cons finis et que s'ils ne changeaient pas leur petit trésor d'environnement, elle serait définitivement bloquée à ce niveau-là. Et ce changement fut une réussite. Enfin... Une sorte de réussite.
Car ce fut à cette époque que mademoiselle Suchiru apprit à "se faire passer pour normale". Ou plutôt, qu'elle apprit à se faire passer pour plus bête qu'elle ne l'était afin de se faire accepter socialement. Ce ne furent pas ses années les plus fascinantes, autant le dire, car elle ne partageait pas vraiment les passions des gens de son âge et était plutôt intéressée par les pulsars et les nanovirus artificiels... Mais ce ne serait pas en parlant de ce genre de trucs qu'elle parviendrait à se "mêler" à la population locale, elle le savait pertinemment. Puis c'est aussi à cet âge-là qu'on se découvre de nouveaux intérêts de nature plus physique et elle doutait fort d'attirer les beaux mâles de l'école avec des discours alambiqués sur l'équilibre électrolytique ou la toxicité de l'oxygène en excès.
Tout le problème de ce raisonnement était que, pour elle, faire semblant et mentir devint quelque chose de socialement normal. Le seul moyen de se faire des connaissances, ou un petit ami, ou ce genre de choses. Un constat absolument terrible s'imposa à elle, même si ce constat était faux : le seul moyen d'évoluer en société avec des gens était de mentir et de ne pas être soi-même, sous aucune condition. Ce fut ainsi qu'elle commença à être manipulatrice, jamais sans aucune mauvaise intention bien entendu, mais manipulatrice quand même. Elle repérait ce que les gens semblaient penser ou vouloir, et donnait l'apparence qu'ils souhaitaient voir.
Les ados ne sont pas très malins, après... Tout le monde le sait. Personne ne se rendit donc jamais compte du fait que la jolie Nadja était appréciée exclusivement parce qu'elle savait quoi dire, quand le dire et à qui le dire. Cette idée que manipuler = succès fut la graine qui plus tard fleurirait en une tendance prononcée à l'opportunisme.
--- Ic : Asel Networks and Power.Elle parvint donc à avoir une enfance et adolescence somme toutes assez normales. Arriva le moment fatidique des études supérieures, et ce fut là que Nadja décida de se "lâcher". Le système d'études supérieures fonctionnant sur des crédits, elle avait la possibilité de faire un demi-cursus. Ou un double cursus. Ou un triple cursus. Ce fut ainsi que démarrèrent quatre longues années où elle décida de passer trois diplômes supérieurs en même temps : le premier en physique théorique, le deuxième en mathématiques et le dernier en biologie.
En dépit de son intelligence naturelle, la masse de travail fut pour le moins écrasante et autant dire que la "vie sociale" devint une notion extrêmement vague, pendant ce temps-là. Elle n'obtint d'ailleurs les trois diplômes qu'avec des notes un peu au dessus de la moyenne, mais sans plus. Pourtant, elle avait ce qu'elle voulait : une vision globale complète du monde scientifique.
Elle passa donc les quatre années suivantes à se spécialiser, d'abord avec un doctorat en physique de l'atome, et un autre en analyse fonctionnelle mathématique. Les deux lui permettraient de travailler dans des domaines particulièrement variés, mais en particulier l'énergie. C'était selon elle la clé de l'évolution. Plus on pourrait déployer d'énergie, plus on pourrait aller loin et utiliser des technologies complexes et avancées. C'était ce qui bloquait l'humanité : pas assez d'énergie.
Elle avait terminé l'acquisition des données nécessaires à la réalisation de ses projets. Ainsi, avec ses diplômes en poche et ses (nombreuses) idées en tête pour inventer de nouveaux générateurs, elle se dirigea vers l'entreprise qu'elle jugeait comme étant la plus prometteuse dans ce domaine : Asel Networks and Power, alias Aselnet.
--- II : Une feuille de route plus préciseCela faisait maintenant 2 ans que Nadja travaillait pour Aselnet... Et deux ans qu'au fond, elle bricolait des trucs qui ne l'intéressaient pas plus que ça. Le souci central venait du fait qu'ils étaient une entreprise introduite en bourse et que par conséquent, ils devaient faire des trucs rentables au niveau financier. Les investisseurs n'aimaient pas les grandes nouvelles idées... C'était risqué, c'était coûteux, c'était à long terme. Houlaaaa... Long terme ! Quelle atrocité ! Non, le monde financier n'aime pas le long terme. Il faut gagner à court terme, de préférence en pourrissant le long terme, même. Par conséquent, ses recherches portaient principalement sur l'amélioration de l'efficacité des batteries électriques existantes, pour qu'il y ait moins de pertes lors des charges.
Oh, en soi ce n'était pas une idée stupide, mais la jeune chercheuse avait un projet bien plus intéressant en tête... Mais elle savait qu'elle devrait faire ses preuves au niveau financier avant toute chose. Ce fut ainsi qu'elle prépara son petit plan, son coup d’esbroufe et de poker, avec l'aide de deux collègues qu'elle estimait comme des personnes valables. Les trois travaillèrent pendant plusieurs semaines à un projet qui convaincraient les portefeuilles (pourtant bien remplis) des principaux actionnaires de la société.
Ce fut donc en plein conseil d'administration qu'elle débarqua dans la salle, sans prévenir, accompagnée du chef du département de recherche dont elle avait l'aide sur ce coup-ci.
- Salut ! lança-t-elle l'air de rien, comme si sa présence avait été tout à fait normale.
- Mais qui êtes-vous, qu'est-ce-que vous faites ici ? demanda alors le directeur général avec un air aussi surpris qu'outré.
- Je viens vous faire économiser plusieurs milliards par an, et pour une fois sans virer personne. Alors je sais, ne pas renvoyer de gens ce n'est pas le genre de la maison, mais au fond pourquoi pas non ?- En parlant de renvoyer, croyez-moi vous ne risquez pas de revenir demain ! lança alors l'homme d'affaires, excédé.
- Soit, mais laissez-moi au moins vous montrer, regardez c'est prêt. Tenez, filez-moi ça vous, dit-elle à celui qui avait la télécommande qui contrôlait le rétroprojecteur.
Nadja aurait dû se faire dégager de la salle, mais le directeur de recherches faisant signe au PDG qu'il fallait écouter, celui-ci s'exécuta... Il avait une certaine confiance en cet homme qui était certes étrange, mais qui lui avait aussi rapporté des milliards de dollars en peu de temps avec ses projets de recherche.
La métisse commença donc à montrer divers graphiques aux businessmen assemblés autour de la table, des graphiques sous forme de pourcentages et de dollars, bref ce qu'ils comprenaient le mieux. Ne faisant aucun commentaire, la jeune femme se contenta de les faire défiler en laissant chaque fois quelques secondes aux hommes présents pour comprendre de quoi il s'agissait.
Une fois qu'elle eut terminé, ils semblèrent tous hébétés.
- Si c'est vrai c'est prodigieux... s'étonna le big boss.
- Et pourtant. Nous avons réduit de 33% la consommation d'énergie du bâtiment sans pour autant couper des systèmes. Et tout ça a été fait sur notre temps libre. Maintenant imaginez ce qu'il se passera si vous nous donnez un vrai labo avec des crédits de recherche...- Avez-vous déjà une feuille de route précise que l'on puisse examiner ?- Je vous l'ai envoyée par e-mail il y a cinq minutes, signala alors le directeur de recherches qui était complice de cette intervention.
- Bien... Nous allons l'examiner et vous tiendrons informés dans ce cas. Merci Johnatan...- Je n'ai fait qu'accompagner Nadja, monsieur le directeur. L'ensemble du projet vient d'elle.- Oh... Merci dans ce cas, mademoiselle. La jeune scientifique aux cheveux bleus et roses se contenta simplement de saluer l'assemblée d'une longue révérence, avant de sortir de la pièce. Elle avait fait ce qu'elle voulait faire. Montrer aux décisionnaires que elle = pognon = investissement rentable. Elle n'aimait pas spécialement ce genre de langage financier, mais elle savait aussi que c'était le seul que les hautes instances comprendraient...
--- III : C'était la bonne surprise--- IIIa : Les éoliennes aussi, c'est moisi.Nadja était devenue la nouvelle coqueluche des laboratoires d'Aselnet. En l'espace de deux ans elle avait augmenté l'efficacité du réseau électrique fourni par la compagnie de plus de 60% grâce à un nouveau type de réseau d'une efficacité redoutable, et rendu la production de deutérium étonnamment facile grâce à des algues spécialement traitées qui convertissaient de l'eau normale en eau dite lourde. Pour quelqu'un ne connaissant rien à ce blabla scientifique, cela voulait surtout dire une facture d'électricité considérablement allégée.
Mais maintenant, miss Suchiru travaillait sur autre chose ! Pour elle, les réacteurs nucléaires et les centrales à essence, c'était tout pourri. Les éoliennes aussi, c'est moisi. Non, ce qu'elle voulait, c'était créer un nouveau type de générateur d'énergie basé sur une ressource bien plus simple à obtenir... Le même deutérium qu'elle avait rendu si facile à produire. Le problème était que... pour le moment, ces premiers prototypes de générateurs qu'elle testait étaient un brin instables. Elle voulait pourtant arriver à ses fins, et avait donc mis plusieurs fois en danger des personnes de son équipe qui avaient reçu de solides doses de radiations.
Tout le problème était que si ses scientifiques commençaient à avoir des cancers ou à mourir à cause de ces rayonnements toxiques, le projet entier serait fermé. Elle ne pouvait donc plus se permettre d'envoyer ses subordonnés au casse-pipes... Cela signifiait donc qu'elle ne pouvait plus avancer ou presque, autant dire que pour elle c'était intolérable. Inacceptable, même. Elle décida donc de s'y prendre elle-même, et tant pis pour les radiations, ça se soigne de toutes façons, se disait-elle... Certes, ça se soignait... Dans une certaine mesure.
Mais elle ne reçut pas de dose de radiations pourtant ! C'était la bonne surprise.
La mauvaise surprise par contre fut que le plasma concentré au sein du réacteur eut une réaction imprévue. Nadja avait ajusté la machine pour éviter les émissions de rayonnements dangereux, et ce fut un succès. En revanche, à cause de ces mêmes ajustements, le plasma brûlant contenu dans le générateur s'échappa de celui-ci et se retrouva projeté en plein sur la jeune femme qui se retrouva avec le bras gauche quasiment fondu par la chaleur extrême...
--- IIIb : Ça va sûrement attirer les beaux mecs tiens !Journal personnel de Nadja Suchiru - Terre - Système solaire local - 17h44 heure universelle.Ca fait classe, non ? "Journal personnel", et tout ! En plus si j'indique la planète et que j'utilise le format UTC, ça fait genre "exploratrice spatiale" et tout. Après, on me dira que troller un journal perso c'est un peu con, mais heh, on ne change pas une méthode qui euh... qui gagne, nan, on peut pas dire ça. Qui... une méthode qui est méthodique, voilà, on va pas y passer la nuit.
'fin en tout cas, je vais pouvoir sortir de l'hosto dans trois jours. Les résultats sont bons, selon les médecins et la greffe des nerfs artificiels a très bien pris. Mon bras tout neuf fonctionne... Cool... Joie et enthousiasme, quoi. En attendant ça m'a fait six mois de recherches perdus. J'ai dit aux médecins, d'ailleurs, que je devais me tirer parce que j'avais des trucs à faire, mais sous prétexte qu'il ne me restait plus qu'un morceau d'os à moitié fondu en guise de bras gauche, QUE DALLE ! Super, bonjour les irresponsables, quoi. ... bon, ok ok j'ironise, mais sans rire.
Au moins, ça m'a pas trop fait mal. Quand le plasma m'a giclé à la tronche ('fin la tronche, non, sinon je serais morte) j'ai fini évanouie direct. Ah, ça fait pas super héroïque j'avoue. Et quand je me suis réveillée, j'étais totalement anesthésiée. Il leur a fallu trois jours pour préparer la prothèse vu qu'il fallait l'ajuster à ma taille, à mon poids, et tout ça, et hop. Je dois dire, la publicité qui est faite par ces connards d'industriels spécialistes des implants est parfaitement vraie.
"Pas de rejet !". En effet, j'ai pas besoin de médocs anti-rejet (encore heureux putain). "S'adapte à votre corps : vous pouvez même prendre des kilos !". Hé ouais, l'implant au niveau de l'épaule s'adapte selon le poids. "Vous ressentez tout !". Et en effet, ouais ouais... Y'a des sensations tactiles. "Pas besoin de batterie !". En effet, les muscles en carbone se contractent comme des muscles normaux avec les impulsions électriques envoyées par les nerfs.
Par contre, ces connards disent pas exactement tout... On voit que c'est des commerciaux, les zigues. Genre vous pouvez prendre des kilos. Vous pouvez prendre JUSQU’À CINQ kilos, surtout. Au delà, faut faire un réajustement et compagnie... Du coup, faut faire gaffe à ce que tu bouffes et faire de l'exercice régulier. Ouais, de l'exercice avec le bras artificiel, aussi, pour que les nanofibres de carbone qui servent de muscle restent bien à la bonne longueur. Ah ben ça va faire stylé quoi, avec mon bras noir et hyper gros, à la salle de gym. Pas à dire, ça va sûrement attirer les beaux mecs tiens ! ... mon cul ouais, ça va les faire fuir surtout.
Ahh, ouais, puis "Vous ressentez tout !". Ouais. Si on veut quoi. "Tout", ils ont eu l'autorisation d'utiliser ce mot parce que le concept est suffisamment vague. Tu ressens EFFECTIVEMENT tout, mais les sensations sont quand même réduites d'à peu près un tiers quand même. Et ééééévidemment, ils oublient de parler des six mois de rééducation nécessaires pour s'en servir, de leur merdier. Bon après, je me plains, je me plains, mais je dois admettre que c'est pratique. Sans ça, ben... Pas de chocolat, eh, tout simplement. Reste à espérer qu'ils me laisseront reprendre le travail avec ce bidule, ou si je vais me retrouver définitivement éloignée des expérimentations...
--- IV : Prudence est mère de famille !--- IVa : Avec des inconnus séduisants...Nadja était furibarde. Après l'accident qui l'avait blessée assez gravement, les recherches sur le projet de générateur MHD auxquelles elle tenait tant avaient été considérablement ralenties. Malgré son insistance, et malgré le fait qu'elle fasse miroiter des tonnes de pognon devant les responsables (être le premier à découvrir une alternative viable à l'essence était clairement une manne financière infinie), les choses étaient irrémédiables. Si un autre problème de ce type avait lieu, les assurances de l'entreprise commenceraient à poser de sérieux problèmes, et ça, les hautes instances n'en voulaient pas.
Pour le moment, donc, le protocole imposait de ne pas s'approcher des prototypes de générateurs quand ceux-ci étaient chargés, et leur puissance ne devait pas dépasser les 200 Watts, autant dire presque rien. Ce fut donc l'occasion idéale pour se détendre un peu et s'éloigner du travail. Et au fond... "Prudence est mère de famille", comme dirait l'homme goujon !
Bon, évidemment, ce n'était pas aussi simple que cela. Nadja avait... Un vrai problème avec le fait de ne pas terminer ce qu'elle faisait. Elle VOULAIT trouver la solution pour rendre son générateur viable, mais dans l'immédiat elle n'avait aucun moyen d'y parvenir efficacement. Il fallait qu'elle attende, aussi difficile que celui puisse être pour elle.
N'importe qui d'autre aurait été profondément affecté par la perte d'un membre, ce qui n'est quand même pas rien. Qu'on le veuille ou non, même si ça fait "super classe" selon certains ou "ouaaa trop SF" selon d'autres, porter un membre artificiel était loin d'être simple, d'un point de vue psychologique... Surtout pour quelqu'un comme la scientifique. Selon les psychiatres qui l'ont accompagnée durant son séjour à l'hôpital, une manière saine de vivre cette expérience serait de l'accepter, en en parlant avec quelqu'un, en relativisant les choses, et autres.
Sauf que miss Suchiru ne s'intéressait pas à ces conneries. Non, elle s'intéressait à son générateur et rien d'autre, laissant donc TOTALEMENT de côté le fait qu'elle avait failli mourir à moitié fondue peu de temps auparavant, ou le fait qu'elle était faite maintenant à 15% de matériau artificiel...
On pourrait croire que du coup, ça ne l'affectait pas. La vérité était en fait plus compliquée... Elle était affectée mais avait enterré ça en dessous de cette obsession pour son projet, chose on ne peut plus malsaine...
Elle réduit donc ses heures de travail, et se focalisa sur un mode de vie un brin... différent, disons. Principalement centré sur le sexe avec des inconnus séduisants... Puis des inconnues, dans un second temps, vu que c'est à cette époque que la métisse se découvrit aussi un intérêt pour la gent féminine qui avait quelque chose de tout aussi agréable à proposer que les mâles, même si c'était assez différent...
--- IVb : Une sex doll efficace pour se détendre.Ce qu'elle ignorait, c'était que l'une de ses partenaires n'était pas vraiment une humaine.
Cette jeune femme, une dénommée Caitlyn, plaisait plus qu'un peu à Nadja. C'était une fan de technologie, elle avait un humour piquant, elle était joueuse aussi, avait un look un peu "destroy" sur les bords avec ses grosses newrock, sa coiffure étrange et ses piercings/tatouages, et était carrément perverse au lit. Du coup, la jeune scientifique se sentant en confiance et vu que sa compagne semblait intéressée, elle parlait un peu de ses projets.
Les conversations qu'elles avaient pouvaient vite devenir surréalistes. Un exemple parmi d'autres :
- Sans déc', je te verrais bien poser dans des magazines de rat bikes ou un truc du genre.- Tu plaisantes ? Moi je vais prendre la pose dans un magazine ? - Mais ouais ! Tiens, tu serais parfaite en couverture de Heavy Duty sur une Harley modifiée style Wasteland.- Parce que c'est mon style de poser pour des photos, ouais... C'est nouveau ça !- Bah, après si tu veux pas poser pour un truc de motos, tu peux le faire pour, chais pas moi... Un magazine d'ébénisterie tiens.- Et pourquoi pas, tiens ? J'suis sûre que je ferais une parfaite ébénisterie-babe. Si ça existe... Ça existe ?- Ben on va voir non ? Si ça existe pas au pire ça leur filera des idées.Deux jours après, les deux femmes envoyèrent une série de photos de Caitlyn, posant devant des planches de bois et des troncs d'arbre, dans des poses sensuelles et lascives. Un mélange tout à fait insolite de playboy et de "bois magazine".
Le fait que chacune de leurs rencontres (environ une ou deux par mois) était étrange voire carrément surréaliste, et terminait par des moments d'une sensualité irradiante. Nadja était bien trop fixée sur ses projets scientifiques pour avoir ne serait-ce que l'idée de se lancer dans quelque chose de plus durable... Mais s'il n'y avait pas eu cette envahissante manie, peut-être aurait-elle eu dans l'idée de partir sur une relation plus suivie.
Mais le truc, c'était que l'intérêt de cette insolite demoiselle venait principalement du fait que les Hell's Angels cherchaient des adeptes de la technologie humaine, afin de servir d'enseignants aux nains de la nécropole. La métisse ignorait tout de l'existence d'Avalon et ne se doutait évidemment de rien. Elle voyait cette fille comme quelqu'un de sympa, une sex doll efficace pour se détendre et se changer les idées, mais ne comptait pas non plus vraiment s'installer avec ou quoi que ce soit de ce genre. Sa fidélité allait à ses projets, pour le moment, et autant dire que se lancer dans une aventure amoureuse ne l'intéressait pas. Elle voulait obtenir des résultats...
Et Caitlyn aussi, qui n'était en réalité rien d'autre qu'une Fey, voulait que Nadja obtienne des résultats.
--- V : C'est qui, c'te punk, là ?Et l'illumination vint alors. En pleine nuit, un soir de novembre.
Nadja voyait la solution devant elle. Elle savait précisément comment régler son problème d'efficacité énergétique, comment rendre le fameux générateur MHD stable et puissant à la fois. Il était trois heures du matin, mais la scientifique s'en fichait éperdument. Il ne lui fallut que quinze minutes pour se doucher à la va-vite, enfiler une paire de rangers, un jean noir, un T-shirt noir aussi, un trenchcoat pris au pif complet dans son placard, et se précipiter vers les labos d'Aselnet.
Bien évidemment, tout était vide... Peu lui importait, elle n'avait besoin de personne. Il lui fallut pas loin de deux heures pour faire les réglages qu'il fallait, mais les résultats obtenus quand elle lança le réacteur furent exactement ceux qu'elle voulait obtenir. Elle venait d'inventer le remplaçant de l'essence. Après des années entières à être totalement fixée sur ce seul objectif, elle pouvait enfin retrouver une certaine liberté. Son esprit sembla... Immédiatement libéré. Il n'y avait plus ce poids immense qui pesait sur sa poitrine en permanence, chaque fois qu'elle pensait à ce but qu'elle ne parvenait pas à atteindre.
Sortant des laboratoires à cinq heures et demie du mat', alors que la ville commençait à se réveiller, elle tomba sur sa compagne favorite, miss tatouages au look de bikeuse. En temps normal, la métisse se serait demandée ce qu'elle foutait là, mais elle était bien trop excitée pour se focaliser sur ce genre de détails. Au contraire, elle courut vers elle avec un immense sourire ravi pour lui annoncer la nouvelle avec excitation :
- Putain ça marche ! J'ai enfin réussi ! Je viens de résoudre la crise énergétique mondiale ! Je viens de rendre possible les voyages spatiaux de longue durée ! Il aura fallu que j'investisse un bras mais bordel, ça fonctionne ! Tu sais c'que ça veut dire ? Je vais avoir une PUTAIN de prime de malade ! Avec ça on va se payer une soirée avec des kilos de bouffe de luxe et des godes en or ma grande ! J'ai même envie de dire "je vais me taper des vacances au soleil" mais bon je tiendrai jamais deux semaines loin de mes labos, tu m'connais... Après, d'un autre côt...S'interrompant, la chercheuse haussa un sourcil face à la mine plutôt neutre voire froide de son interlocutrice. Pourquoi diable la motarde avait-elle un air aussi grave ?
- Ben t'en tires une tronche. T'es allergique à l'or ? C'est pas grave ça, on peut prendre du platine ou de l'argent si tu veux, moi je m'en fous c'est juste pour le princ...Nadja n'eut pas le temps de terminer sa phrase : elle se retrouva assommée par son amante, finissant immédiatement dans les vapes. Durant ce sommeil trouble, elle put sentir qu'on la transportait, mais elle n'avait aucune idée d'où ni de pourquoi. S'agissait-il d'espionnage industriel ? D'une nation ennemie qui voulait voler ce genre de technologie ? D'une sorte de jeu inventé par la jeune femme ? La métisse aimait les jeux, mais là c'était étrange tout de même...
Au final, elle avait de toutes façons tort. Aucune des théories qu'elle avait échafaudé durant son inconscience n'était la bonne.
Lorsqu'elle revint à elle, elle était par terre. Littéralement en fait, vu qu'elle était dans de la terre assez sèche, manifestement dans une sorte de forêt épaisse. Combien de kilomètres avait-elle parcouru au juste ? La première chose que vit la chercheuse fut une femme, immense, avec une sorte d'aura indéfinissable et incompréhensible qui semblait écraser tous les présents. Ah, et elle avait les cheveux roses, accessoirement.
Malgré ce charisme irradiant, la surprise de Nadja fut la plus forte. Voyant que la bikeuse était là, elle ne put s'empêcher de lui demander avec un air sidéré :
- C'est qui, c'te punk là ?Ce fut par cette phrase pour le moins décalée que démarra la première rencontre de mademoiselle Nadja Suchiru, humaine et chercheuse chez Asel Networks and Power, avec une déesse.